Notre petite famille a vécu ensuite un retour forcé vers la métropole, politique oblige. Nous avons séjourné dans la banlieue de la ville de Lyon, les affaires de mon père en avait décidé ainsi. Arrivée du premier poste de télévision, la télé ! Mais cela n'avait pas pour autant émoussé notre envie d'écouter de la musique grâce à la collection de disques rapatriée. Notre heureux séjour à Lyon fut bref car mon père est décédé brutalement peu de temps après notre installation, j'étais âgé d'un peu plus de cinq ans.
Mon frère et moi avons été pris en charge par notre grand-mère maternelle, le temps que notre mère redresse une triste situation et qu'elle se remette d'un très grave accident de la route. Par bonheur, il y avait un piano dans le salon de la maison, la chère grand-mère ayant été très bonne musicienne dans sa jeunesse. Nous avions le droit de sagement aligner des notes sur cet instrument qui n'était peut-être plus très bien accordé. Je me dis que cela devait être bon pour garder une certaine sensibilité à la musique.
Quelques années plus tard, ma mère s'était remariée et nous habitions dans un immeuble à loyers modérés, dans le centre de la ville du Mans. Par hasard, j'ai trouvé dans une cave de cet immeuble une vieille guitare quelque peu cachée par des boîtes de carton et autres objets. A force d'observations, j'apprenais que cette guitare était une guitare "manouche" et que même avec ses vieilles cordes rouillées, elle résonnait comme telle. Avec joie et frénésie j'ai remis cette guitare en état de service. Je me suis aventuré à réaliser un vernis sur la caisse et la table. J'ai réparé les mécaniques, acheté et mis en place des cordes neuves. A cette époque, pour accorder l'instrument, je ne connaissais pas l'astuce qui consistait à décrocher le combiné du téléphone pour entendre la tonalité qui donnait avec la justesse absolue le la. Alors, j'ai acheté dans un magasin de musique, un accordeur constitué de six tubes d'acier comportant chacun une lame à faire vibrer par le souffle, comme un harmonica. Je possède toujours ce charmant objet dans son petit étui en plastique. Et là ? … Révélation ! Au gré de mon humeur, de mon imagination, au moins au début, j'ai gratté ou pincé les cordes, l'une après l'autre, ou plusieurs à la fois, durant des heures chaque jour. Il fallait, à mon oreille, que les notes, les groupes de notes soient à mon goût.
A l'issue de cette période de découverte, évidemment, je fus obligé de me résigner à acquérir un manuel indiquant la position des doigts sur le manche pour réellement jouer de la musique, faire sonner des accords. Ensuite, découvrir qu'avec trois accords, on pouvait interpréter une chanson, c'était, ni plus ni moins, formidable.
Je fus rapidement attiré par l'interprétation de la musique du film "jeux interdits" de René Clément, musique interprétée à la guitare par le grand Narcisso Yepes. La douceur, la couleur du son me poussèrent à m'équiper d'une guitare "classique", avec des cordes en nylon, guitare de fabrication espagnole, de bonne facture. J'ai cédé, pour une somme modique la vieille guitare manouche à un ami de mon âge qui faisait partie de la bande de copains et copines du quartier. Cet ami, Jean-Hervé, se souvient toujours, plus que moi d'ailleurs, des premières instructions pour pratiquer sur cet instrument qu'il conserve encore.
Je n'ai pas le souvenir d'avoir été attiré par la variété, par la chanson populaire en général, productions diffusées sur les disques ou sur les ondes radiophoniques. Toutefois, je n'ai jamais détesté la chanson pour autant. Il me reste en mémoire d'excellents chanteurs, auteurs compositeurs que j'ai écotés assidûment.
Et, bien sûr; je ne suis pas passé à côté, sans l'apprécier, de la pop-music, avec ses groupes ancrés dans notre mémoire tels que les Beatles, les Rolling Stones, les Mody Blues, Procol Harum, etc.. Ils nous faisaient danser dans les boums organisées le plus souvent dans le garage de la maison de nos copines.